Point d'achèvement, et après?
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Le point d’achèvement de l’initiative Ppte d’accord, et après? Voici une des questions de fond que l’opinion nationale se pose, certainement, depuis que la Côte d’Ivoire a atteint, le 26 juin 2012, le point d’achèvement de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (initiative Ppte), et qu’elle bénéficie ce faisant d’une remise globale de 64,2% de sa dette extérieure. Lors de son grand oral du 18 juillet dernier devant l’Assemblée nationale, le ministre de l’Economie et des Finances, Charles Koffi Diby, n’a pas manqué de mettre en relief les nombreuses conséquences néfastes de la crise de l’endettement sur l’évolution économique et sociale de la Côte d’Ivoire au cours des trois dernières décennies. Lesquelles se sont traduites, entre autres, par « l’inexistence de marges budgétaires pour faire face aux dépenses d’investissements, avec une réduction significative de la part affectée aux investissements, et l’accentuation de la paupérisation de la population avec le produit intérieur brut par tête d’habitant qui est passé de 375640,6 Fcfa en 1960 et 714 727,1 Fcfa en 1978 à 343 342,2 Fcfa en 2010 ». Autrement dit, le désinvestissement provoqué par la crise de l’endettement a donné lieu à une augmentation du taux de pauvreté, passé de 10% en 1985 à 36,8% en 1995, puis 38,4% en 2002 avant d’atteindre 48,9% en 2008 et plus de 50% en 2010.
Depuis 26 juin 2012, 4090 milliards
abandonnés à l’Etat ivoirien
Avec le point d’achèvement de l’initiative Ppte, le pays peut
espérer désormais des lendemains meilleurs. Ce d’autant plus qu’il bénéficie
d’un allègement substantiel de sa dette extérieure. En effet, au terme des
négociations menées par le ministre ivoirien de l’Economie et des Finances avec
les créanciers de l’Etat membres du Club de Paris, les allègements obtenus se
chiffrent à 4090 milliards de Fcfa dont 3 143,7 milliards dudit Club et 946,3
milliards des multilatéraux. Ce qui ramène donc, aujourd’hui, le stock de la
dette extérieure du pays à 2 283,9 milliards de francs CFA alors qu’il s’élevait
au 30 juin 2012 (soit quatre jours avant le point d’achèvement) à 6 373,9
milliards de Fcfa. Cette restructuration permet de noter un desserrement
sensible du poids de la dette publique extérieure qui ne représente plus que
18% du produit intérieur brut (Pib) contre 51% au 30 juin 2012. Dixit Charles
Koffi Diby, ministre de l’Economie et des Finances. En remontant à 2009 (date
de l’admission au point de décision à l’initiative Ppte, 27 mars) et aux
précédents allègements globaux de 500,7 milliards de Fcfa obtenus entre 2009 et
2011, l’effort cumulé d’annulations du stock de la dette extérieure par les
créanciers de l’Etat ivoirien se chiffre à 5 292,1 milliards globalement.

Perspectives post-point
d’achèvement Ppte
Maintenant que l’ensemble des réformes économiques, financières et
administratives ont permis au pays de bénéficier d’une réduction considérable
de sa dette extérieure, ramenée comme indiqué plus haut à 18% du Pib (contre
51% auparavant), restaurant ainsi la viabilité de ses finances publiques et la
crédibilité de l’Etat ivoirien, que doit faire la Côte d’Ivoire ? En d’autres
termes, quelles sont les perspectives nouvelles qui s’offrent aux Ivoiriens
maintenant ? « L’atteinte du point d’achèvement doit permettre de dégager des
marges budgétaires pour la hausse des investissements publics », indiquait le
ministre ivoirien de l’économie et des finances, le 18 juillet dernier, face
aux députés. Annonçant que « le taux d’investissement global devrait atteindre
23,5% du Pib en 2015, soit un niveau proche de celui des années 1970 » qui
marquèrent le «miracle ivoirien». De façon détaillée, ce taux qui représentait
2,8% du Pib en 2011 devrait croître significativement pour atteindre
respectivement 5,3% à fin 2012, 7,1% en 2013, 8,2% en 2014 et 9,1% en 2015. Cet
investissement public ira essentiellement au financement de la stratégie
nationale de réduction de la pauvreté contenue dans le Programme national de
développement (Pnd) 2012-2015. Cette stratégie met l’accent sur des
investissements en infrastructures et programmes ayant un impact positif sur
l’amélioration du bien-être des populations. Ainsi donc, les secteurs comme
éducation, enseignement technique et supérieur, justice et bonne gouvernance,
santé, urbanisation et habitat (économique et social), environnement,
salubrité, eau potable, eaux et forêts, sécurité absorberont bien des
financements publics. Des investissements publics iront également aux
infrastructures et transports, à l’énergie, aux mines et hydrocarbures, à l’agriculture,
à la technologie de l’information et de la communication, à la recherche
scientifique, aux industries et Pme, au commerce, à l’artisanat et au tourisme.
Mobiliser les ressources Ppte sont avant tout à mobiliser en interne
Ce qu’il est convenu d’appeler « ressources Ppte » et qui
représente, en fait, le montant total d’annulations de dette consenties par les
créanciers bilatéraux (membres du Club de Paris et hors Club de Paris) et
multilatéraux (soit 4090 milliards de Fcfa) vont servir à financer des projets
dans les secteurs susmentionnés au cours de la période 2012-2015. Mais étant
donné que ces « ressources Ppte » ne sont pas de l’argent frais mis à la
disposition de l’Etat ivoirien par les créanciers mais plutôt « un simple »
abandon de créances, il revient donc à l’Etat de mobiliser, de façon endogène à
partir de sa politique économique et financière, des ressources équivalentes
afin de pouvoir mettre en œuvre sa stratégie nationale de réduction de pauvreté
et son plan de développement.
Autrement dit, la Côte d’Ivoire ne remboursera plus, comme par le
passé, entre 400 et 500 milliards de Fcfa de dette extérieure, mais le pays
devra cependant continuer à mobiliser annuellement ce même montant pour
l’investir dans des projets et programmes de développement et de réduction de
la pauvreté. C’est un autre défi à relever par les dirigeants ivoiriens en
jouant sur les leviers d’amélioration des recettes publiques internes (fiscales
et douanières ainsi que la mobilisation des ressources par emprunts
obligataires et bons du trésor). L’Etat peut aussi compter sur des appuis
budgétaires de la communauté financière internationale et des partenaires. La
viabilité de ses finances publiques et le rétablissement de sa crédibilité
vis-à-vis de ses partenaires financiers grâce à l’atteinte du point d’achèvement
de l’initiative Ppte, donne la possibilité à l’Etat « d’emprunter à nouveau sur
le marché international à moindre coût », assure le ministère de l’Economie et
des Finances. Mais les choses ne seront plus comme avant, car l’endettement du
pays sera désormais encadré. «Nous allons œuvrer pour une gestion intelligente
de l’endettement public, avec une gestion des requêtes d’endettement, des
projets dans le cadre du Comité national de la dette publique (CNDP) »,
prévient l’argentier du gouvernement, Charles Koffi Diby. Mieux, l’endettement
sera utilisé révèle le ministre des finances, comme une politique économique et
non plus comme un paramètre de bouclage budgétaire. Grande révolution que voici
! Il faut souhaiter que les politiques économiques et/ou d’investissements
publics prennent en compte des charges récurrentes liées aux infrastructures
socioéconomiques réalisées et les minimisent pour éviter qu’elles pèsent, après
coup, sur le budget de l’Etat. En tout
état de cause, la création et l’opérationnalisation du Cnpd dont la mission est
d’élaborer un projet de stratégie globale d’endettement prenant en compte les
priorités du PND, apparait comme un signal fort.
Point d’achèvement, une plate-forme
d’opportunités
L’après point d’achèvement de l’initiative Ppte n’est donc pas la
fin des efforts de la Côte d’Ivoire, loin s’en faut ! Car, bien des pays ayant
bénéficié de réduction de dette extérieure, à l’exception de quelques-uns comme
le Ghana, se retrouvent malheureusement, sont redevenus très endettés. C’est à
ce niveau qu’on donne raison au ministre Diby lorsqu’il affirme : «le
point d’achèvement constitue une plate-forme d’opportunités à saisir pour
amorcer une nouvelle ère de prospérité économique et de stabilité sociale.
Aussi la gestion post-point d’achèvement Ppte doit-elle éviter l’explosion des
dépenses de fonctionnement de l’Etat (masse salariale, charges récurrentes,
etc.) mais garantir un impact significatif de l’orientation des investissements
et ressources mobilisées sous forme d’emprunt vers la croissance économique ».
En outre, la poursuite des réformes visant la compétitivité de l’économie, et
notamment des secteurs clés, l’amélioration du climat des affaires, le
renforcement de la bonne gouvernance, et la promotion du travail et de la bonne
conduite des projets et programmes doivent se poursuivre.
GOORE Bi Hué
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