vendredi 14 septembre 2012

PPTE, Côte d'Ivoire




Point d'achèvement, et après?




Le point d’achèvement de l’initiative Ppte d’accord, et après? Voici une des questions de fond que l’opinion nationale se pose, certainement, depuis que la Côte d’Ivoire a atteint, le 26 juin 2012, le point d’achèvement de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (initiative Ppte), et qu’elle bénéficie ce faisant d’une remise globale de 64,2% de sa dette extérieure. Lors de son grand oral du 18 juillet dernier devant l’Assemblée nationale, le ministre de l’Economie et des Finances, Charles Koffi Diby, n’a pas manqué de mettre en relief les nombreuses conséquences néfastes de la crise de l’endettement sur l’évolution économique et sociale de la Côte d’Ivoire au cours des trois dernières décennies. Lesquelles se sont traduites, entre autres, par « l’inexistence de marges budgétaires pour faire face aux dépenses d’investissements, avec une réduction significative de la part affectée aux investissements, et l’accentuation de la paupérisation de la population avec le produit intérieur brut par tête d’habitant qui est passé de 375640,6 Fcfa en 1960 et 714 727,1 Fcfa en 1978 à 343 342,2 Fcfa en 2010 ». Autrement dit, le désinvestissement provoqué par la crise de l’endettement a donné lieu à une augmentation du taux de pauvreté, passé de 10% en 1985 à 36,8% en 1995, puis 38,4% en 2002 avant d’atteindre 48,9% en 2008 et plus de 50% en 2010.
Depuis 26 juin 2012, 4090 milliards abandonnés à l’Etat ivoirien
Avec le point d’achèvement de l’initiative Ppte, le pays peut espérer désormais des lendemains meilleurs. Ce d’autant plus qu’il bénéficie d’un allègement substantiel de sa dette extérieure. En effet, au terme des négociations menées par le ministre ivoirien de l’Economie et des Finances avec les créanciers de l’Etat membres du Club de Paris, les allègements obtenus se chiffrent à 4090 milliards de Fcfa dont 3 143,7 milliards dudit Club et 946,3 milliards des multilatéraux. Ce qui ramène donc, aujourd’hui, le stock de la dette extérieure du pays à 2 283,9 milliards de francs CFA alors qu’il s’élevait au 30 juin 2012 (soit quatre jours avant le point d’achèvement) à 6 373,9 milliards de Fcfa. Cette restructuration permet de noter un desserrement sensible du poids de la dette publique extérieure qui ne représente plus que 18% du produit intérieur brut (Pib) contre 51% au 30 juin 2012. Dixit Charles Koffi Diby, ministre de l’Economie et des Finances. En remontant à 2009 (date de l’admission au point de décision à l’initiative Ppte, 27 mars) et aux précédents allègements globaux de 500,7 milliards de Fcfa obtenus entre 2009 et 2011, l’effort cumulé d’annulations du stock de la dette extérieure par les créanciers de l’Etat ivoirien se chiffre à 5 292,1 milliards globalement.
A l’analyse, la Côte d’Ivoire revient de très loin avec ce succès engrangé au terme de sa troisième tentative d’obtention de la remise de sa dette publique extérieure (1998, 2000 et 2009-2012), en vue d’une restructuration profonde de ladite dette. Succès qui est avant tout, le fruit des efforts de bonne gouvernance économique et financière, de réformes courageuses soutenues entreprises, consentis depuis 2007 et qui se sont intensifiés à compter de 2008. Au titre des exemples, on peut citer la normalisation du calendrier budgétaire depuis 2008 (élaboration et adoption du budget avant l’exercice), l’amélioration des résultats d’exécution budgétaire passés de -8,9% en 2005 à -3% en 2010, l’apurement des arriérés intérieurs et extérieurs dus, l’inscription des dépenses des grands travaux au budget de l’Etat, etc. qui ont marqué la gestion des finances publiques. Quant aux efforts de bonne gouvernance économique, ils se sont traduits par des communications trimestrielles de l’exécution budgétaire pour permettre aux contribuables et bailleurs de fonds d’apprécier l’utilisation des deniers publics, la création de l’autorité nationale de régulation des marchés publics (ANRMP) en 2010, l’audit de plusieurs sociétés publiques (Sir, Petroci) ainsi que des structures de la filière café-cacao. Le secteur financier a, lui, été marqué notamment par l’adoption de la stratégie nationale de la micro-finance, et la filière café-cacao a vu la réduction progressive de la parafiscalité et la mise en place d’un nouveau système de taxation ad’valorem d’un niveau maximum de 22% du prix Caf. La réforme hardie du secteur de l’énergie et l’embellissement de l’environnement des affaires font partie des efforts des autorités ivoiriennes, de même que la réforme des administrations publiques en cours, marquée essentiellement par l’adoption d’une stratégie de maîtrise de la masse salariale.
Perspectives post-point d’achèvement Ppte
Maintenant que l’ensemble des réformes économiques, financières et administratives ont permis au pays de bénéficier d’une réduction considérable de sa dette extérieure, ramenée comme indiqué plus haut à 18% du Pib (contre 51% auparavant), restaurant ainsi la viabilité de ses finances publiques et la crédibilité de l’Etat ivoirien, que doit faire la Côte d’Ivoire ? En d’autres termes, quelles sont les perspectives nouvelles qui s’offrent aux Ivoiriens maintenant ? « L’atteinte du point d’achèvement doit permettre de dégager des marges budgétaires pour la hausse des investissements publics », indiquait le ministre ivoirien de l’économie et des finances, le 18 juillet dernier, face aux députés. Annonçant que « le taux d’investissement global devrait atteindre 23,5% du Pib en 2015, soit un niveau proche de celui des années 1970 » qui marquèrent le «miracle ivoirien». De façon détaillée, ce taux qui représentait 2,8% du Pib en 2011 devrait croître significativement pour atteindre respectivement 5,3% à fin 2012, 7,1% en 2013, 8,2% en 2014 et 9,1% en 2015. Cet investissement public ira essentiellement au financement de la stratégie nationale de réduction de la pauvreté contenue dans le Programme national de développement (Pnd) 2012-2015. Cette stratégie met l’accent sur des investissements en infrastructures et programmes ayant un impact positif sur l’amélioration du bien-être des populations. Ainsi donc, les secteurs comme éducation, enseignement technique et supérieur, justice et bonne gouvernance, santé, urbanisation et habitat (économique et social), environnement, salubrité, eau potable, eaux et forêts, sécurité absorberont bien des financements publics. Des investissements publics iront également aux infrastructures et transports, à l’énergie, aux mines et hydrocarbures, à l’agriculture, à la technologie de l’information et de la communication, à la recherche scientifique, aux industries et Pme, au commerce, à l’artisanat et au tourisme.
 Mobiliser les ressources Ppte sont avant tout à mobiliser en interne
Ce qu’il est convenu d’appeler « ressources Ppte » et qui représente, en fait, le montant total d’annulations de dette consenties par les créanciers bilatéraux (membres du Club de Paris et hors Club de Paris) et multilatéraux (soit 4090 milliards de Fcfa) vont servir à financer des projets dans les secteurs susmentionnés au cours de la période 2012-2015. Mais étant donné que ces « ressources Ppte » ne sont pas de l’argent frais mis à la disposition de l’Etat ivoirien par les créanciers mais plutôt « un simple » abandon de créances, il revient donc à l’Etat de mobiliser, de façon endogène à partir de sa politique économique et financière, des ressources équivalentes afin de pouvoir mettre en œuvre sa stratégie nationale de réduction de pauvreté et son plan de développement.
Autrement dit, la Côte d’Ivoire ne remboursera plus, comme par le passé, entre 400 et 500 milliards de Fcfa de dette extérieure, mais le pays devra cependant continuer à mobiliser annuellement ce même montant pour l’investir dans des projets et programmes de développement et de réduction de la pauvreté. C’est un autre défi à relever par les dirigeants ivoiriens en jouant sur les leviers d’amélioration des recettes publiques internes (fiscales et douanières ainsi que la mobilisation des ressources par emprunts obligataires et bons du trésor). L’Etat peut aussi compter sur des appuis budgétaires de la communauté financière internationale et des partenaires. La viabilité de ses finances publiques et le rétablissement de sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires financiers grâce à l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative Ppte, donne la possibilité à l’Etat « d’emprunter à nouveau sur le marché international à moindre coût », assure le ministère de l’Economie et des Finances. Mais les choses ne seront plus comme avant, car l’endettement du pays sera désormais encadré. «Nous allons œuvrer pour une gestion intelligente de l’endettement public, avec une gestion des requêtes d’endettement, des projets dans le cadre du Comité national de la dette publique (CNDP) », prévient l’argentier du gouvernement, Charles Koffi Diby. Mieux, l’endettement sera utilisé révèle le ministre des finances, comme une politique économique et non plus comme un paramètre de bouclage budgétaire. Grande révolution que voici ! Il faut souhaiter que les politiques économiques et/ou d’investissements publics prennent en compte des charges récurrentes liées aux infrastructures socioéconomiques réalisées et les minimisent pour éviter qu’elles pèsent, après coup, sur le budget de l’Etat.  En tout état de cause, la création et l’opérationnalisation du Cnpd dont la mission est d’élaborer un projet de stratégie globale d’endettement prenant en compte les priorités du PND, apparait comme un signal fort.
 Point d’achèvement, une plate-forme d’opportunités
L’après point d’achèvement de l’initiative Ppte n’est donc pas la fin des efforts de la Côte d’Ivoire, loin s’en faut ! Car, bien des pays ayant bénéficié de réduction de dette extérieure, à l’exception de quelques-uns comme le Ghana, se retrouvent malheureusement, sont redevenus très endettés. C’est à ce niveau qu’on donne raison au ministre Diby lorsqu’il affirme : «le point d’achèvement constitue une plate-forme d’opportunités à saisir pour amorcer une nouvelle ère de prospérité économique et de stabilité sociale. Aussi la gestion post-point d’achèvement Ppte doit-elle éviter l’explosion des dépenses de fonctionnement de l’Etat (masse salariale, charges récurrentes, etc.) mais garantir un impact significatif de l’orientation des investissements et ressources mobilisées sous forme d’emprunt vers la croissance économique ». En outre, la poursuite des réformes visant la compétitivité de l’économie, et notamment des secteurs clés, l’amélioration du climat des affaires, le renforcement de la bonne gouvernance, et la promotion du travail et de la bonne conduite des projets et programmes doivent se poursuivre.
GOORE Bi Hué

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire