mercredi 29 mai 2013

Accès des Pme au financement, la clé de la reprise économique durable


De nombreuses études réalisées par l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) et d’autres instituts de recherche sur le développement révèlent que « la croissance économique soutenue et le développement du tissu industriel reposent davantage sur l’existence de Pme et Pmi dynamiques, diversifiées et disposant de facilités d’accès au crédit». Autrement dit, il n’est pas indiqué de bâtir une politique de développement socioéconomique et industrielle assise uniquement sur des mesures visant l’implantation de méga entreprises multinationales. Quoique par leur présence, ces dernières contribuent fortement au transfert de technologies et à l’accumulation des investissements directs étrangers (Ide).

Politique européenne hardie en faveur des Pme
Dans un communiqué en date du 02 mai dernier référencé IP/13/387,  la Commission européenne soulignait cette importance des Pme dans l’émergence d’une économie: « Les petites et moyennes entreprises (Pme) seront le moteur de la reprise en Europe, mais il faut pour cela qu’elles puissent accéder plus facilement et plus rapidement à des moyens de financement ». Ce bout de phrase montre bien la place centrale que les Pme occupent- et vont davantage occuper - dans  la politique de relance de l’économie européenne dont certaines font pourtant partie des plus développées dans le monde ! « Au cours des dernières années, explique ce communiqué de presse susmentionné,  la Commission européenne s’est employée sans relâche à améliorer leur situation. Cet engagement est à présent réitéré dans un rapport conjoint de la Commission européenne et de la Banque européenne d’investissement (groupe Bei) publié aujourd’hui. Alors que la situation reste précaire, le soutien du groupe Bei aux Pme a atteint 13 milliards d’euros en 2012 », et de poursuivre : « En outre, avec un budget de seulement 1,1 milliard d’euros, la Commission a financé des garanties qui ont favorisé la mobilisation de prêts d’une valeur de plus de 13 milliards d’euros, stimulant ainsi la croissance de près de 220 000 petites entreprises en Europe ».  Ce rapport des experts de la Commission présente également les résultats des programmes de financement actuels ainsi que la nouvelle génération d’instruments financiers destinés aux Pme européennes. Il indique que les ressources financières en faveur des Pme seront sensiblement accrues grâce à une augmentation du capital de la Bei de 10 milliards d’euros (environ 6560 milliards de Fcfa.)  

Qui sauvera les Pme ivoiriennes ?
Cette décision de la Commission européenne donne matières à réflexions et suscite des questionnements. Si des pays considérés comme développés s’engagent dans la promotion hardie des Pme, quelles actions vont-elles menées dans les pays africains et notamment ceux de l’Uemoa dont la Côte d’Ivoire est leader économique pour insuffler une dynamique aux Pme et Pmi locales ? Existe-t-il réellement une politique volontariste en la matière ? Si oui, quels sont les instruments de financement au profit de ces entreprises de petites et moyennes tailles où évoluent, en général, des compétences et /ou entrepreneurs nationaux et qui sont de grandes pourvoyeuses d’emplois? Faut-il compter sur les filiales des banques internationales pour financer l’émergence d’un tissu de Pme/Pmi créées et gérées par des nationaux ? Que de questions restent encore à poser devant le nombre de Pme qui ferment ou vivotent faute de plans et/ou de structures bancaires de financement.
Au cours des premières décennies de l’indépendance, sous l’impulsion du Président Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire s’était dotée, dans cette perspective, des banques de financement de l’investissement privé. La Banque ivoirienne de développement industriel (Bidi), la Banque nationale d’épargne et de crédit (Bnec), la Banque nationale de développement agricole (Bnda), etc. créées au cours des décennies 1960/1970 répondaient au souci du financement endogène des activités économiques et commerciales, des entreprises par des nationaux en vue d’une meilleure maîtrise du développement économique, financier et social par le pays. Malheureusement, la mauvaise gestion a conduit ces initiatives à la banqueroute, privant ainsi le développement d’entreprises agricoles, commerciales et industrielles d’instruments de financement pérennes et étatiques. Du coup, se pose la problématique suivante : Qui va financer nos Pme ? Qui a intérêt à voir des Pme et Pmi locales, notamment celles qui sont le fait des nationaux émerger et prospérer durablement : l’Etat ivoirien ou les filiales des banques internationales opérant dans le pays ?
Certains analystes pensent que le devoir revient d’abord à l’Etat d’exprimer sa volonté de promouvoir le secteur des Pme, d’en faire des outils de croissance. Et ce, en créant des instruments de financement, des institutions bancaires publiques dédiées aux petites et moyennes entreprises. Certes des textes réglementaires existent et sont nombreux, les études aussi, mais la concrétisation tarde dans bien des cas.
Dans l’histoire économique récente du pays, une banque privée créée par des Ivoiriens qui, aujourd’hui, a pour actionnaire majoritaire l’Etat ivoirien (à savoir Versus Bank), avait suscité un réel espoir auprès des promoteurs des Pme.  En effet, cette banque s’est spécialisée dans ce métier face à l’inexistence de sources de financement  de cette catégorie d’entreprises. Un observateur averti du monde des affaires confiait récemment ce qui suit : « Les banques rechignent à financer nos entreprises. Les Libanais ont leur circuit de financement. Les Européens ont aussi le leur via les filiales des banques européennes opérant ici. Mais nous, Ivoiriens, qui sont ceux qui nous financent ? » D’autres opérateurs économiques du secteur nous ont confié avoir perdu des marchés porteurs faute de financement ; alors même qu’ils détenaient des bons de commande ferme !   Et pourtant les banques ivoiriennes ne cessent de déclarer leur surliquidité !

L’exemple de Versus Bank
Quelques rares banques se sont cependant engagées dans le crédit aux Pme. Parmi celles-ci, Versus Bank, banque au capital détenu majoritairement par l’Etat ivoirien. Elle a financé à hauteur de  plus de 17 milliards de francs Cfa des Pme dont certaines prospèrent aujourd’hui. Cette banque a également permis, par son financement d’environ 15 milliards de Fcfa, à 28 notaires de s’installer. « Si l’Etat, actionnaire principal, nous finançait, nous en ferions davantage et il en tirerait grand profit », avoue un cadre de la banque. Qui souligne, avec un peu d’amertume que « ce sont les multinationales qui donnent de l’argent à Versus bank pour aider les Pme…. ».  La nécessité pour action étatique forte en faveur des Pme, via une banque comme Versus dont il est actionnaire, n’est pas à démontrer. Parce que les Pme et Pmi réduisent sensiblement, par leur développement, le risque de chômage.

La France lance sa Banque des Pme
L’importance des Pme est telle que l’Etat français vient de créer une banque des Pme dont la direction est confiée à Ségolène Royale. Une banque qui a pour vocation de fédérer tous les instruments de financements destinés à cette catégorie d’entreprise. 
En illustration des efforts constants déployés par la Commission  européenne au soutien des Pme, le vice-président de ladite Commission, Antonio Tajani, commissaire chargé des entreprises et de l’entrepreneuriat, avait annoncé, lors de la réunion du Forum sur le financement des Pme organisée à la veille de la réunion informelle du Conseil compétitivité des 2 et 3 mai à Dublin, le lancement d’un nouveau portail central en ligne sur l’ensemble des instruments financiers de l’Ue destinés aux Pme et d’un guide d’information visant à encourager l’introduction en bourse des Pme.
Pour sa part, Tajani, vice-président de la Commission européenne et commissaire chargé de l’industrie et de l’entrepreneuriat, déclarait le 2 mai dernier: «L’accès des Pme aux sources de financement demeure difficile et constitue l’une des principales raisons de la récession économique actuelle. C’est pourquoi nous avons l’intention d’élargir nos garanties de prêt aux Pme dans le cadre du nouveau programme Cosme à partir de 2014. Chaque euro investi dans nos garanties a le potentiel de débloquer, en moyenne, 30 euros de prêt bancaire. Cet élément est essentiel pour permettre à nos petites entreprises, qui sont le moteur de l’emploi en Europe, de renouer avec la prospérité. Pas moins de 85 % des nouveaux emplois créés leur sont à mettre à leur actif.»
Si l’Europe réalise que le faible niveau de financement des Pme est l’une des causes fondamentales de la récession économique qu’elle connaît actuellement, qu’en sera-t-il de nos économies, demain, si l’on continue de considérer comme non prioritaire, l’émergence des Pme nationales viables et compétitives ? Si l’on ne consolide les structures bancaires étatiques qui œuvrent à l’accroissement des Pme par leur financement ?  C’est un débat de fond !
GOORE BI HUE