De nombreuses études
réalisées par l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel
(Onudi) et d’autres instituts de recherche sur le développement révèlent que
« la croissance économique soutenue et le développement du tissu
industriel reposent davantage sur l’existence de Pme et Pmi dynamiques,
diversifiées et disposant de facilités d’accès au crédit». Autrement dit,
il n’est pas indiqué de bâtir une politique de développement socioéconomique et
industrielle assise uniquement sur des mesures visant l’implantation de méga
entreprises multinationales. Quoique par leur présence, ces dernières contribuent
fortement au transfert de technologies et à l’accumulation des investissements
directs étrangers (Ide).
Politique
européenne hardie en faveur des Pme
Dans un communiqué en
date du 02 mai dernier référencé IP/13/387,
la Commission européenne soulignait cette importance des Pme dans
l’émergence d’une économie: « Les
petites et moyennes entreprises (Pme) seront le moteur de la reprise en Europe,
mais il faut pour cela qu’elles puissent accéder plus facilement et plus
rapidement à des moyens de financement ». Ce bout de phrase montre
bien la place centrale que les Pme occupent- et vont davantage occuper - dans la politique de relance de l’économie
européenne dont certaines font pourtant partie des plus développées dans le
monde ! « Au cours des
dernières années, explique ce communiqué de presse susmentionné, la Commission européenne s’est employée sans
relâche à améliorer leur situation. Cet engagement est à présent réitéré dans
un rapport conjoint de la Commission européenne et de la Banque européenne
d’investissement (groupe Bei) publié aujourd’hui. Alors que la situation reste
précaire, le soutien du groupe Bei aux Pme a atteint 13 milliards d’euros en
2012 », et de poursuivre : « En outre, avec un budget de seulement 1,1 milliard d’euros, la
Commission a financé des garanties qui ont favorisé la mobilisation de prêts
d’une valeur de plus de 13 milliards d’euros, stimulant ainsi la croissance de
près de 220 000 petites entreprises en Europe ». Ce rapport des experts de la Commission présente
également les résultats des programmes de financement actuels ainsi que la
nouvelle génération d’instruments financiers destinés aux Pme européennes. Il
indique que les ressources financières en faveur des Pme seront sensiblement
accrues grâce à une augmentation du capital de la Bei de 10 milliards d’euros (environ
6560 milliards de Fcfa.)
Qui
sauvera les Pme ivoiriennes ?
Cette décision de la
Commission européenne donne matières à réflexions et suscite des questionnements.
Si des pays considérés comme développés s’engagent dans la promotion hardie des
Pme, quelles actions vont-elles menées dans les pays africains et notamment
ceux de l’Uemoa dont la Côte d’Ivoire est leader économique pour insuffler une
dynamique aux Pme et Pmi locales ? Existe-t-il réellement une politique
volontariste en la matière ? Si oui, quels sont les instruments de
financement au profit de ces entreprises de petites et moyennes tailles où
évoluent, en général, des compétences et /ou entrepreneurs nationaux et
qui sont de grandes pourvoyeuses d’emplois? Faut-il compter sur les filiales
des banques internationales pour financer l’émergence d’un tissu de Pme/Pmi
créées et gérées par des nationaux ? Que de questions restent encore à
poser devant le nombre de Pme qui ferment ou vivotent faute de plans et/ou de structures
bancaires de financement.
Au cours des premières
décennies de l’indépendance, sous l’impulsion du Président Houphouët-Boigny, la
Côte d’Ivoire s’était dotée, dans cette perspective, des banques de financement
de l’investissement privé. La Banque ivoirienne de développement industriel
(Bidi), la Banque nationale d’épargne et de crédit (Bnec), la Banque nationale
de développement agricole (Bnda), etc. créées au cours des décennies 1960/1970 répondaient
au souci du financement endogène des activités économiques et commerciales, des
entreprises par des nationaux en vue d’une meilleure maîtrise du développement
économique, financier et social par le pays. Malheureusement, la mauvaise
gestion a conduit ces initiatives à la banqueroute, privant ainsi le
développement d’entreprises agricoles, commerciales et industrielles
d’instruments de financement pérennes et étatiques. Du coup, se pose la
problématique suivante : Qui va financer nos Pme ? Qui a intérêt à
voir des Pme et Pmi locales, notamment celles qui sont le fait des nationaux
émerger et prospérer durablement : l’Etat ivoirien ou les filiales des
banques internationales opérant dans le pays ?
Certains analystes
pensent que le devoir revient d’abord à l’Etat d’exprimer sa volonté de
promouvoir le secteur des Pme, d’en faire des outils de croissance. Et ce, en
créant des instruments de financement, des institutions bancaires publiques dédiées
aux petites et moyennes entreprises. Certes des textes réglementaires existent
et sont nombreux, les études aussi, mais la concrétisation tarde dans bien des
cas.
Dans l’histoire
économique récente du pays, une banque privée créée par des Ivoiriens qui,
aujourd’hui, a pour actionnaire majoritaire l’Etat ivoirien (à savoir Versus
Bank), avait suscité un réel espoir auprès des promoteurs des Pme. En effet, cette banque s’est spécialisée dans
ce métier face à l’inexistence de sources de financement de cette catégorie d’entreprises. Un
observateur averti du monde des affaires confiait récemment ce qui suit : « Les banques rechignent à financer nos
entreprises. Les Libanais ont leur circuit de financement. Les Européens ont
aussi le leur via les filiales des banques européennes opérant ici. Mais nous,
Ivoiriens, qui sont ceux qui nous financent ? » D’autres opérateurs
économiques du secteur nous ont confié avoir perdu des marchés porteurs faute
de financement ; alors même qu’ils détenaient des bons de commande
ferme ! Et pourtant les banques ivoiriennes
ne cessent de déclarer leur surliquidité !
L’exemple
de Versus Bank
Quelques rares banques
se sont cependant engagées dans le crédit aux Pme. Parmi celles-ci, Versus
Bank, banque au capital détenu majoritairement par l’Etat ivoirien. Elle a
financé à hauteur de plus de 17
milliards de francs Cfa des Pme dont certaines prospèrent aujourd’hui. Cette
banque a également permis, par son financement d’environ 15 milliards de Fcfa,
à 28 notaires de s’installer. « Si
l’Etat, actionnaire principal, nous finançait, nous en ferions davantage et il
en tirerait grand profit », avoue un cadre de la banque. Qui souligne,
avec un peu d’amertume que « ce sont
les multinationales qui donnent de l’argent à Versus bank pour aider les
Pme…. ». La nécessité pour
action étatique forte en faveur des Pme, via une banque comme Versus dont il
est actionnaire, n’est pas à démontrer. Parce que les Pme et Pmi réduisent
sensiblement, par leur développement, le risque de chômage.
La
France lance sa Banque des Pme
L’importance des Pme
est telle que l’Etat français vient de créer une banque des Pme dont la
direction est confiée à Ségolène Royale. Une banque qui a pour vocation de
fédérer tous les instruments de financements destinés à cette catégorie
d’entreprise.
En illustration des
efforts constants déployés par la Commission européenne au soutien des Pme, le
vice-président de ladite Commission, Antonio Tajani, commissaire chargé des
entreprises et de l’entrepreneuriat, avait annoncé, lors de la réunion du Forum
sur le financement des Pme organisée à la veille de la réunion informelle du
Conseil compétitivité des 2 et 3 mai à Dublin, le lancement d’un nouveau portail
central en ligne sur l’ensemble des instruments financiers de l’Ue destinés aux
Pme et d’un guide d’information visant à encourager l’introduction en bourse
des Pme.
Pour sa part, Tajani,
vice-président de la Commission européenne et commissaire chargé de l’industrie
et de l’entrepreneuriat, déclarait le 2 mai dernier: «L’accès des Pme aux sources de financement demeure difficile et
constitue l’une des principales raisons de la récession économique actuelle.
C’est pourquoi nous avons l’intention d’élargir nos garanties de prêt aux Pme dans
le cadre du nouveau programme Cosme à partir de 2014. Chaque euro investi dans
nos garanties a le potentiel de débloquer, en moyenne, 30 euros de prêt
bancaire. Cet élément est essentiel pour permettre à nos petites entreprises,
qui sont le moteur de l’emploi en Europe, de renouer avec la prospérité. Pas
moins de 85 % des nouveaux emplois créés leur sont à mettre à leur actif.»
Si l’Europe réalise que
le faible niveau de financement des Pme est l’une des causes fondamentales de
la récession économique qu’elle connaît actuellement, qu’en sera-t-il de nos
économies, demain, si l’on continue de considérer comme non prioritaire,
l’émergence des Pme nationales viables et compétitives ? Si l’on ne
consolide les structures bancaires étatiques qui œuvrent à l’accroissement des
Pme par leur financement ? C’est un
débat de fond !
GOORE BI HUE
L'accès des Pme au financement est la clé de succès de toute politique économique visant une croissance forte et durable....
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