Le prix minimum garanti sauvera-t-il les paysans !
L’Etat ivoirien a décidé, depuis 2012, de vendre désormais par
anticipation (on dit aussi à terme) sa production cacaoyère comme il le faisait
au temps de la Caistab, de l’indépendance à 1998/1999. Il vient, rapporte-t-on,
de vendre aux enchères plus de 1,1 million de tonnes de fèves de cacao sur le
marché international des matières premières aux chocolatiers et autres
spéculateurs de ce marché! Maintenant, il lui faudra honorer cet engagement
vis-à-vis de ces clients, du marché international de peur de se discréditer. C’est
à ce niveau que se situe l’enjeu de la nouvelle option qui vient mettre fin aux
yoyos de la libéralisation. Non pas que la Côte d’Ivoire ne soit pas capable de
fournir la quantité vendue, avec sa production annuelle qui oscille entre 1,3
et 1,5 million de tonnes selon les saisons ! Mais parce que la Côte d’Ivoire
doit faire face à la fraude qui s’est développée depuis quelques années dans
cette filière. En effet, depuis notamment 2003 à ce jour, d’importantes
quantités de la production cacaoyère ivoirienne sortent frauduleusement du
territoire pour être vendue ou se retrouver au Ghana et au Burkina Faso (devenu
par ce fait, exportateur du cacao). Quel est le volume de fèves de cacao qui
sortent ainsi frauduleusement du pays pour enrichir d’autres nations
ouest-africaines? Bien malin pourrait y répondre ! Tant le contrôle
effectif de l’Etat de Côte d’Ivoire sur les zones productrices de l’Ouest et de
l’Est s’est amenuisé depuis du fait de la crise.
S’il faut comprendre la motivation de l’Etat en optant, près de 14 ans
après la libéralisation de la filière café-cacao en 1998/1999, pour un retour au système traditionnel de la
Caisse de stabilisation et de soutien des prix (Caistab) caractérisé par la fixation annuelle
par le gouvernement, d’un prix minimum garanti aux cacaoculteurs, il est peu
probable que ce «come back » à
un système qui était pourtant vomi par les institutions de Bretton Woods
(Banque mondiale et Fmi) –le considérant alors comme une caisse noir des
tenants du pouvoir -, soit très rassurant pour les paysans. Parce qu’à l’évidence,
il influencera très peu positivement l’amélioration des conditions de vie des paysans. Surtout dans ce contexte de
paupérisation croissante et généralisée de petits agriculteurs ivoiriens.
Petits agriculteurs, et notamment cacaoculteurs qui pourraient, si l’on n’y
prend garde, être «absorbés et/ou employés», totalement ou partiellement,
par des multinationales et grands chocolatiers ayant mis pied dans la filière
café-cacao ainsi que dans les plantations cacaoyères ivoiriennes. Alors qu’on avait
pensé que cette présence tirerait les cours bord champ à la hausse, elle ne
sert que le statu quo : paysans toujours et de plus en plus affamés, et
les autres acteurs de la filière grands bénéficiaires et de plus en plus
engraissés ! Si le début de la libéralisation permit aux cacaoculteurs de
vendre leur kilo de cacao à plus de 1000 Fcfa le kilo, la suite a été une
désillusion ! Tout comme l’ont été les structures de gestion pleines de « CC » comme Fdpcc, Bcc, Arcc,
Frcc, etc.
Au fait, pendant combien de temps, encore, les cacaoculteurs ivoiriens
et les acteurs nationaux auront le contrôle de la production nationale de fèves
de cacao ? Juste une question !
Gooré
Bi Hué
Journaliste-Economiste
Diplômé
GPE